Amar rêve du cirque de la Super League
Révélation du début de saison, Amar Sabri, 20 ans, pur Carcassonnais, griffe chaque match de ce talent que beaucoup soupçonnent immense. Son avenir semble enjoué. En Super League ? En attendant, il veut croquer Lyon, samedi.
"Dieu, Patrie, Roi", telle est la devise du Maroc, qui a vu grandir ses parents, du côté d'Oujda, à la pointe est du Rif. Et Amar Sabri, "gavatx pur jus", comme il aime à le dire, la porte en étendard, chaque jour qui passe. A la différence près que c'est davantage le "Roi" rugby qu'il vénère. "
Le XIII, bien sûr, c'est le seul qui existe à mes yeux, même s'il m'arrive de m'endormir devant une rencontre à XV", s'amuse-t-il un brin provocateur. Une discipline qui suscita ses premiers émois dès l'âge de quatre ans. Et c'est à l'ombre des pylônes de Domec que le jeune espoir, né à Carcassonne il y a 20 ans, va égrener les pièces de son destin.
Salim joue à Limoux
Quinze années à l'ASC pour naître et grandir. D'abord sur les traces de deux de ses frères, anciens Canaris, "Momo", l'aîné, désormais joueur de Montréal XV, puis dans celles de Salim, 25 ans, aujourd'hui Limouxin. Et il y eut l'exil, l'an dernier, chez le voisin lézignanais. "
Là-bas, j'ai passé une année formi dable. Les supporters, les joueurs forment une même famille. Le village est tout dévoué au XIII". Le temps de décrocher une distinction de vice-champion de France et le revoilà, douze mois plus tard, réintégrant le nid carcassonnais.
"Intoxiqué au XIII"
Car la tunique noire et jaune, c'est comme une seconde peau. Une peau de chagrin parfois, une peau d'amour surtout, pour ce supporter de l'OM, qui admet n'avoir aucune autre passion que le XIII. "
A la maison, on mange, on boit, on dort XIII", résumant sa foi en une phrase en un condensé franc comme un coup de badine. "
Je suis un véritable intoxiqué. Que voulez-vous, ce sport, c'est ma vie".
Une passion dévorante qui se consume à l'abri du regard de son père Kader, vigneron. "
Papa est venu me voir jouer une fois, lors d'une finale cadets face à Lézignan. Je me suis légèrement blessé. Rien de bien méchant. Craignant pour ma santé, il s'est alors promis de ne plus jamais revenir" , concède celui qui vit toujours dans la maison familiale de Verzeille, à une portée de drop de Limoux.
Mais depuis quelques mois, tout s'accélère autour de l'international cadet, junior, et France A, titulaire indiscutable à la charnière de l'ASC, où ses feintes suaves et ses accélérations font rugir de plaisir le temple audois. Sa vie est prise de vibrations. Ça brille. Ça brasille. Mais, le futur éducateur pour enfants en difficultés va à son rythme. Allegro, enfonçant toutes les portes qui se dressent devant lui : finale du championnat 2007, stage avec Hull FC et sélection en France A (face à la Papouasie-Nouvelle-Guinée).
Surnommé "Le prodige"
Et ce mois passé en Angleterre, en août dernier, grâce à Steve Deakin, l'ancien coach de l'UTC devenu celui d'Oldham, a représenté une sorte de révélation pour cet admirateur pêle-mêle de Sean Long, Andy Farrell, Pat Lam ou encore Adam Mogg. Comme un jour nouveau qui déchira l'air brumeux de son avenir. "
Côtoyer tous les pros de Hull FC, à l'entraînement comme en match (trois avec la réserve, pour quatre essais),
m'a définitive ment convaincu que c'est dans cette voie que je souhaitais m'orienter". Depuis, il est devenu le premier conquérant, aspiré par ce soleil de l'excellence.
Enchaînant les séances de musculation et jouant les prolongations lors de chaque entraînement, pour parfaire son jeu au pied, la carrière du jeune "prodige", comme le surnomment certains, pourrait ne pas s'embourber dans les marais de l'anonymat. Bien au contraire. Lui, rêve de Super League, des Dragons Catalans, de Hull, de la Coupe du monde 2008, de l'Australie. "
Pour progresser, et me frotter à ce qui se fait de mieux". Etre fixé, pourrait-il rajouter, même. C'est clair, l'animal est obstiné. Ambitieux. Pour preuve, il fait du titre de champion de France son objectif. "
Pia et Lézignan ne nous sont pas supérieurs. Nous formons un bon groupe. Le bouclier n'est pas inaccessible", martèle-t-il avec gourmandise.
Arnaud Hingray